Le consentement, ça s’apprend maintenant.
Dès la petite enfance, certains principes peuvent être mis en place afin que les enfants apprennent ce qu’est le consentement et développent un sentiment de pouvoir et d’autonomie envers leur corps. L’éducation à la sexualité, l’apprentissage des frontières interpersonnelles et la promotion des relations saines et égalitaires, et donc du consentement, commencent dans nos maisons, dans nos familles, dans les petites choses du quotidien. Autrement dit, c’est à vous de jouer!
Des gestes simples
Dès leur naissance, la vie des tout-petits est contrôlée par les adultes qui les entourent. Toutefois, on veut éviter que les enfants croient qu’ils leur doivent l’obéissance absolue sous seul prétexte que ce sont de grandes personnes. En mettant en place certains principes et stratégies, on peut aider nos enfants à comprendre qu’ils ont droit au respect de leurs limites et de leur corps, et ce en tout temps et toutes circonstances.
Être attentif aux réactions de nos enfants est un bon point de départ. Semble-t-il confortable avec cette personne ? Est-elle enthousiaste en faisant un câlin à celle-ci ? Si je ne lui avais pas demandé, mon enfant aurait-il donné un bisou à ce membre de la famille ? Si vous sentez un malaise ou une réticence de la part de votre enfant, vous pouvez en profiter pour en parler, le questionner sur son sentiment en lien avec la situation, mais surtout, ne le forcez jamais.
Inclure dans notre vocabulaire la notion de plaisir et d’envie permettra aussi aux enfants de saisir qu’on peut choisir d’avoir des contacts physiques si c’est ce que l’on souhaite. « Maman embrasse papa parce qu’elle en a envie », « Ça me fait plaisir que tu me fasses un câlin, toi aimes-tu cela? » ou encore « Papa serre grand-papa dans ses bras, car il est content de le voir ».
Par le simple fait de proposer plutôt que d’ordonner, nous remettons le pouvoir de choisir entre leurs mains et construisons leur sentiment d’autonomie et leur droit de choisir ce qu’il advient de leur corps. Changer sa tournure de phrase pour que « donne un bisou à grand-maman » devienne « veux-tu donner un bisou? » est relativement simple et envoie le message que « non » est une réponse valide.
Le respect du « non »
Lorsqu’on parle de contacts physiques, respecter le refus d’un enfant est la base de l’apprentissage du consentement. Leur corps leur appartient et personne ne devrait pouvoir le toucher sans leur accord. « Pour être capables de se protéger des agressions et des abus sexuels, les enfants doivent être conscients d’eux-mêmes, de leur capacité, mais aussi de leur droit de refus » – Jocelyne Robert, sexologue. C’est en comprenant que ce qu’il dit, refuse et accepte par rapport à son corps doit être entendu et écouté qu’un enfant comprendra qu’il est inacceptable qu’une personne lui impose des contacts, physiques et/ou sexuels, peu importe l’âge ou la relation qui l’unit avec cette personne.
Vous rencontrerez peut être de la résistance sur ce chemin de la part des membres de la famille qui ne comprennent pas votre démarche, ou qui semblent s’inquiéter davantage de ne pas avoir droit à leur bisou à la fin du party de famille que de l’apprentissage et l’intégration profonde de la notion de consentement. Là est votre responsabilité de vous transformer en un véritable chien de garde du droit de refus de votre enfant. Trouvez des stratégies qui conviennent à votre enfant et aux membres de votre famille pour remplacer les contacts physiques : un bisou soufflé? un « câlin de loin »? un mot gentil? ou bien on dédramatise avec un « pas ce soir le câlin, peut être la prochaine fois! ». À vous et votre enfant de déterminer ce qui fonctionne pour lui. En acceptant ces alternatives, on envoie aussi le message qu’on peut montrer son affection autrement que par des contacts physiques. Certes, ça reste une façon d’exprimer son amour pour beaucoup de monde, et quand ça nous convient, c’est parfait, mais savoir démontrer son attachement, son amour ou sa gratitude autrement, par des gestes, des mots gentils ou toute autre forme de communication est aussi important dans le développement relationnel, et pas que dans l’enfance! Le temps des fêtes qui est à nos portes est d’ailleurs un bon moment pour mettre le tout en pratique.
On peut penser que forcer un enfant à donner un bisou à sa tante après un souper de famille est bien loin de la situation où un enfant est victime d’une agression sexuelle. C’est vrai. Toutefois, l’idée est d’apprendre à nos enfants qu’ils ont le droit de dire « non », que ce refus DOIT être respecté et qu’ils ne doivent l’obéissance absolue à personne lorsqu’il est question de leur corps.
Trop petit pour dire « non »
Chez les très jeunes enfants qui ne parlent pas encore, il peut être plus difficile de bien comprendre ce qu’ils veulent, mais ils vous le disent quand même, à leur façon! Soyez attentifs aux signes envoyés par votre enfant : pleurer, être agité, chercher ou réclamer ses parents peuvent être des signes que l’enfant est mal à l’aise. Répondre à son besoin de réconfort sera bénéfique pour le lien de confiance et d’attachement entre l’enfant et ses parents et construira les bases d’une bonne communication et du sentiment que vous êtes le gardien de son bien-être. Au fond, ce qu’on souhaite, c’est qu’il se sente respecté et en sécurité dès le plus jeune âge.
Pratiquer par le jeu
Les chatouilles sont un bon jeu pour pratiquer la notion de consentement et la mettre en application. Assis devant votre enfant, le concept est simple, vous vous chatouillez à tour de rôle, en commençant par demander « je peux te chatouiller? », il accepte, vous le chatouillez, puis il doit vous dire d’arrêter (« non », « stop », « arrête », selon son vocabulaire, ou même un signe de la tête), ce à quoi vous répondez immédiatement en arrêtant. À son tour, votre enfant vous chatouille et vous lui demandez d’arrêter après quelques secondes. S’il arrête, on le félicite d’avoir respecté votre demande, puis on continue le jeu. S’il n’arrête pas après une, deux ou trois demandes, on arrête son action, on explique à nouveau les règles du jeu, puis on réessaie.
Les touchers nécessaires
Une chose est certaine, certains touchers demeurent parfois nécessaires, entre autres en ce qui concerne l’hygiène et la santé. Il est toutefois possible de les expliquer et les encadrer de façon à préserver le sentiment de pouvoir et d’autonomie de l’enfant par rapport à son corps.
« Il faut laver ta vulve/ton pénis, tu le fais toi-même ou tu veux que je t’aide? » à l’heure du bain, ou encore « le/la médecin a besoin de regarder X partie de ton corps pour ta santé, veux-tu que je t’aide à te déshabiller ou tu es capable seul.e.? » sont des exemples de phrases simples qui peuvent être utilisées pour que l’enfant reste impliqué et en position de pouvoir quant à ce qui se passe avec son corps. Pour les plus petits, on peut aussi simplement expliquer ce qui se passe pendant qu’on donne les soins de base à nos enfants, comme pendant les changements de couche ou au moment de prendre un bain, en nommant nos gestes et les parties de son corps que nous touchons.
La peur, à éviter
Bien qu’il soit important qu’on apprenne à nos enfants à se protéger des dangers et à ne pas suivre le premier inconnu qui a perdu son chien ou qui lui offre des bonbons (cliché, je sais!), l’idée ici est de miser sur l’apprentissage du respect de soi et de l’autre, de ses limites et de son corps, plutôt que sur la peur d’être victime de contacts physiques ou sexuels non désirés. Pour aller plus loin et en apprendre davantage sur la prévention des agressions et des abus sexuels, je vous suggère vivement le livre « Te laisse pas faire! » de Jocelyne Robert, Sexologue. Elle y propose plusieurs stratégies de prévention et d’éducation pour aborder le sujet avec les enfants.
Sources
Boisvert, V. (2020). Inculquer la notion de consentement dans la petite enfance. Maman pour la vie. https://www.mamanpourlavie.com/enfant/3-a-5-ans/sante/sexualite/13931-inculquer-la-notion-de-consentement-dans-la-petite-enfance.thtml
Fondation Marie Vincent. (s.d.). Comment prévenir la violence sexuelle? https://marie-vincent.org/cause/comment-prevenir-la-violence-sexuelle/
Jocelyne Robert. (2019). Te laisse pas faire! Les agressions et les abus sexuels expliqués aux enfants. Les éditions de l’homme.